Par: Alexandra Boileau

Toute démarche d’acceptabilité sociale, visant à construire un consensus autour d’un projet, d’un enjeu ou d’une activité, est orientée vers l’obtention d’une forme d’autorisation souvent assimilée à une licence sociale. Cette licence est la plupart du temps informelle et résulte du constat par les instances décisionnelles d’un consensus fort après un processus d’évaluation et de décision participatif permettant un arbitrage social des questions controversées.

Une autorisation sociale

C’est dans le paradigme de la démocratie directe ou participative qu’il faut chercher l’origine des références au critère d’acceptabilité sociale dans les activités de développement, quelles qu’elles soient. La participation citoyenne constitue un ingrédient de base de toute démarche d’acceptabilité sociale conduisant à un arbitrage citoyen sur des enjeux conflictuels ou des options opposées.

La licence sociale peut aussi être plus formelle et se traduire par une entente entre les parties ; cette entente porte par exemple sur les impacts et retombées d’un projet ou d’une présence industrielle, ainsi que sur les mesures sociales telles que l’atténuation des impacts, la prévention des risques, les engagements et contributions communautaires des promoteurs. Cette entente, qui est devenue une pratique courant dans le développement de projets miniers et est identifiée comme Entente sur les Répercussions et les Avantages (ERA) – Impacts and Benefits Agrement (IBA) en anglais – est conclue au terme d’un processus participatif et transparent avec la communauté d’accueil (municipalités, communautés autochtones) et acceptée par consensus par les principales parties prenantes concernées, particulièrement les groupes environnementaux et la société civile. Une telle entente ne suppose pas l’unanimité dans les positions de l’ensemble des parties prenantes, mais repose sur une adhésion large des parties représentants les principaux intérêts en présence.

Participation et acceptabilité sociale

Pas d’acceptabilité sans participation

Un processus de participation publique ne constitue pas en soi une démarche d’acceptabilité sociale. Il en fait toutefois intégralement partie. Un bon mécanisme de participation publique, soit crédible, éthique et respectant les règles de l’art –consultation, concertation, collaboration, co-construction – servira néanmoins à l’évaluation et la mesure de l’acceptabilité sociale.

Les mécanismes et processus de participation citoyenne, relevant de la démocratie directe, mettent en interaction les différents acteurs, organismes, groupes et personnes concernés pour débattre des questions et problèmes et pour élaborer conjointement les réponses et solutions souhaitées collectivement.

Arbitrages participatifs

Certains moyens souvent mis en œuvre dans le cadre de démarches dites d’acceptabilité sociale n’ont rien à voir avec une recherche dynamique, interactive et multipartite de construction de consensus. Ainsi, les sondages, les référendums et les votes consultatifs sont des exemples de processus qui relèvent davantage de la démocratie traditionnelle ou représentative qui confie à des élus ou des représentants désignés les évaluations et les décisions. Les résultats de tels exercices, quoique démocratiques, ne peuvent servir de mesure ou de confirmation de l’acceptabilité sociale. Souvent, plutôt que de bâtir des consensus, ces mécanismes mènent à une polarisation des opinions et exacerbent les conflits entre les parties intéressées.

De la même manière, des processus qui ne permettent pas d’interaction entre les parties concernées, de confrontation des opinions et de débats sur les intérêts et opinions entre les acteurs ne contribuent pas à susciter l’acceptabilité sociale. Ces processus sans échanges entre les parties sont notamment les séances publiques d’information, les portes ouvertes, les audiences publiques et les consultations par Internet. Dans ces cas, les arbitrages ne sont pas citoyens, mais sont plutôt confiés à des tiers. Bien que peu efficaces comme démarches orientées vers l’acceptabilité sociale, ces exercices participatifs peuvent être utiles aux leurs initiateurs, promoteurs et preneurs de décisions, notamment pour améliorer leurs projets et leurs pratiques en regard du critère aujourd’hui prépondérant de l’acceptabilité sociale. Elles ne constituent toutefois pas de véritables leviers sociaux mettant à contribution les citoyens pour obtenir de leur part la licence sociale souhaitée. Elles sont néanmoins appropriées lorsque des situations de crises ou de conflits empêchent la mise en œuvre de moyens qui supposent d’asseoir à une même table et d’initier des échanges constructifs entre les parties opposées.

Une véritable démarche participative axée sur l’acceptabilité sociale doit être est apte à amener les parties en présence à dialoguer, à comprendre les opinions et intérêts de part et d’autre, à chercher des avenues de compromis satisfaisant le maximum des participants. Au minimum, ces délibérations peuvent conduire à des conclusions ou des décisions avec lesquelles les parties dissidentes peuvent s’accommoder sans s’y opposer formellement. Ce résultat d’un exercice de participation est au cœur même de la notion de consensus social.